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Sobriété énergétique et sobriété numérique

Vers une nouvelle loi sur la durée de vie des appareils numériques ?

Un rapport sur Les implications en matière de recherche et d’innovation technologique de l’objectif de sobriété énergétique a été publié par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques le 27 juin 2023.

Parmi de nombreux sujets, il aborde le lien entre le secteur du numérique et l'objectif de sobriété énergétique.

Un regard global sur la sobriété énergétique

La première partie du rapport se concentre sur la compréhension de la "sobriété énergétique", abordant notamment sa définition et son importance dans notre société. Il aborde ainsi le rôle de la sobriété pour enrayer le changement climatique, respecter nos limites planétaires et examine un certain nombre de freins à la sobriété énergétique en France : une information insuffisante des consommateurs, une pression publicitaire sur l’acte d’achat, le poids de l’habitude et la relation au temps, le "juste assez" contre le règne de la quantité, l’existence de prérequis à la sobriété, les normes sociales telles que la consommation ostentatoire, la crainte de l'exclusion et la dynamique de compétition sociale, ou encore l’illettrisme énergétique. Le rapport examine la manière dont la sobriété énergétique s'articule avec d'autres concepts de développement durable (économie circulaire, low tech...) avant d'étudier les politiques de sobriété en France, au Japon, en Allemagne et dans les pays nordiques, apportant un éclairage comparé pertinent.

La deuxième partie du rapport se penche sur les enjeux, cruciaux, de l'innovation et de la recherche en matière de sobriété énergétique. Il souligne l'importance de soutenir et développer la recherche dans ce domaine et d'accélérer les innovations technologiques pour atteindre la sobriété énergétique. Il met en évidence l'importance de l'innovation dans plusieurs secteurs, notamment le bâtiment, les transports, l'industrie et bien sûr le numérique.

Allonger la durée de vie des équipements, un impératif de la sobriété numérique

Le rapport aborde l'importance de l'innovation pour la sobriété dans le domaine numérique, en soulignant en particulier un enjeu majeur : l'allongement de la durée de vie des équipements. Le renouvellement fréquent des équipements numériques, comme les téléphones et les ordinateurs, est un facteur majeur de l'empreinte environnementale de l'industrie numérique. En effet, "le citoyen français moyen possède environ quinze appareils numériques, dont certains ne sont utilisés que quelques minutes par jour. Au niveau mondial, il existe 400 fois plus de terminaux utilisateurs que de serveurs. C’est ce qui explique que l’essentiel de la consommation de ressources, notamment d’énergie pour la fabrication et l’utilisation, se situe du côté des premiers".

Ainsi, 79% de l'empreinte carbone du numérique est liée aux terminaux, tandis que les centres de données représentent environ 16% et les réseaux environ 5% de cette empreinte. La fabrication des équipements représente 78% de l'empreinte totale, tandis que l'utilisation représente 21%.

Le rapport souligne également l'importance de l'action publique pour encourager le réemploi des équipements numériques (ce qui pourrait au passager contribuer à la création de plusieurs dizaines de milliers d’emplois non délocalisables et au rééquilibrage de la balance commerciale) et lutter contre l'obsolescence logicielle. La loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France comprend en ce sens des mesures pour ralentir le renouvellement des appareils numériques et encourager des usages numériques plus vertueux : il faut maintenant aller plus loin.

Il est également suggéré que la modularité des équipements numériques, qui permet de remplacer facilement les composants obsolètes ou défaillants, pourrait être une solution pour prolonger leur durée de vie. Cependant, la modularité est rarement considérée comme un objectif par les fabricants d'équipements électroniques, de sorte qu'un encouragement public est nécessaire - le législateur pourrait agir en ce sens. La gestion rationnelle du stockage des données pour limiter l'augmentation des volumes de données stockées devrait également devenir un enjeu majeur en termes d'émissions de CO2 ou d'usage de matières.

Les conclusions du rapport

Les rapporteurs de l'Office consacrent un axe complet de leurs recommandations à la question numérique, et formulent plusieurs propositions :

Axe – Numérique

  • Inscrire les usages du numérique pour les enfants (règle du 3‑6‑9‑12) dans la formation initiale et continue des enseignants du premier degré.
  • Promouvoir les bonnes pratiques de stockage de données et d’hygiène informatiques à travers des campagnes de communication sur le modèle de la journée du nettoyage numérique (« digital clean-up day » en anglais).
  • Accélérer la mise en place du « passeport produit numérique » prévu par la proposition de règlement européen sur l’écoconception pour des produits plus durables, qui améliorera l’information des consommateurs et le marché du reconditionné.
  • Créer un contrôle technique des équipements numériques reconditionnés et allonger la garantie légale des équipements numériques à 5 ans, avec l’obligation de fournir des mises à jour logicielles permettant leur bon fonctionnement, afin d’étendre la durée de vie des produits numériques.
  • Séparer les mises à jour de conformité des mises à jour de confort qui sont destinées à étendre les fonctionnalités, parfois au prix de ralentissements et d’une saturation des capacités de stockage.

Pour aller plus loin

Le texte du rapport : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RAPPANR5L16B1445.html#_Toc256000060

La page officielle de l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/delegations-comites-offices/opecst

L'essentiel à retenir :

  • Le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques met en lumière l'importance de la sobriété énergétique et son rôle dans la lutte contre le changement climatique, tout en identifiant plusieurs obstacles à sa mise en œuvre en France.
  • Il souligne l'importance de l'innovation et de la recherche pour atteindre la sobriété énergétique, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports, de l'industrie et du numérique.
  • Le rapport met en évidence l'impact environnemental du renouvellement fréquent des équipements numériques, avec 79% de l'empreinte carbone du numérique liée aux terminaux et 78% de l'empreinte totale due à la fabrication des équipements.
  • Il appelle à des actions publiques pour encourager le réemploi des équipements numériques et lutter contre l'obsolescence logicielle, suggérant que la modularité des équipements numériques pourrait aider à prolonger leur durée de vie.
  • Le rapport propose plusieurs recommandations pour le secteur numérique, notamment l'inscription des usages du numérique pour les enfants dans la formation des enseignants, la promotion des bonnes pratiques de stockage de données, l'accélération de la mise en place du "passeport produit numérique", la création d'un contrôle technique pour les équipements numériques reconditionnés et la séparation des mises à jour de conformité des mises à jour de confort.

Publié le 30/06/2023